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Jude, masochiste et propriété consentante
16 février 2024

Intégrer le CNC au quotidien

Cela fait un moment que je n'avais pas publié d'article éducatif ! Aujourd'hui j'ai donc décidé de parler de CNC. Et plus précisément, de CNC intégré au quotidien.

 

Un petit rappel s'impose pour ceux qui ne s'y connaissent pas ou peu. Le CNC signifie "Consensual Non-Consent" ce qui se traduirait en français par "Non-Consentement Consenti". Je ne qualifierais pas le CNC de pratique en lui-même mais plutôt de modalité de consentement (pouvant être relationnelle ou juste le temps d'une séance). Le principe est simple : pendant une durée négociée et prédéfinie, la personne soumise accepte de ne plus pouvoir dire non ou imposer un refus à la personne dominante.

 

Le CNC peut être pratiqué de plusieurs manières, la plus commune étant durant des séances limitées dans le temps. En général, au-delà des limites négociées avant la séance CNC, la personne soumise accepte de ne plus pouvoir dire non ou refuser une pratique pendant toute la durée de la séance. Souvent, cela revient à un abandon temporaire du safeword (soit abandon total, soit safeword unique permettant uniquement d'arrêter/mettre fin à la séance).

 

La deuxième manière de pratiquer le CNC, qui est déjà plus rare, c'est en l'intégrant au quotidien (donc en tant que modalité relationnelle). Soit de manière partielle (souvent en relation D/s on/off ou 24/7) soit de manière totale (en TPE). Dans le cas d'un CNC partiel, on peut par exemple en tant que soumis(e) décider d'abandonner son choix de refus sur certains domaines spécifiques de sa vie (par exemple, les vêtements que l'on va porter), tout en gardant un contrôle sur d'autres aspects de sa vie (par exemple, les finances). Par ailleurs, de nouvelles limites peuvent toujours être négociées dans une relation D/s, ce qui n'est pas le cas dans une relation TPE. Justement, dans le cas de CNC total (à savoir en TPE), la personne soumise ne peut plus rien imposer, dans un aucun domaine de sa vie. Tout est soumis au bon vouloir de sa/son Propriétaire (la seule exception étant de mettre un terme à la relation). Attention, cela ne veut pas dire pour autant que les limites n'existent pas et que le/la Propriétaire peut faire n'importe quoi. Mais concrètement, la propriété ne peut plus rien imposer à proprement parler. J'en parle plus extensivement dans cet article.

 

Parlons des intérêts de cette modalité (en particulier relationnelle). Du côté de la personne soumise ou propriété, elle permet plus d'impuissance, plus d'abandon et plus de vulnérabilité. Pour les masochistes émotionnell(les) tell(les) que moi, savoir que l'on n'a pas le choix que de subir des décisions ou des pratiques parfois difficiles est une source d'épanouissement au long-terme. Attention cependant, il ne faut pas oublier que si ça peut sembler attirant ou sexy de se faire forcer à un moment où on en a envie, on oublie parfois à quel point c'est pénible de subir des choses difficiles lorsqu'on en n'a véritablement pas envie sur l'instant. D'autant plus que lorsque vous pensez à CNC, vous pensez peut-être à du sexe forcé, c'est après tout probablement le fantasme le plus commun. Mais qu'en est-il d'un Propriétaire qui vous force à terminer votre repas alors que vous n'en avez vraiment plus envie ? Moins sexy tout à coup. L'avantage du CNC en relation on/off c'est qu'une partie de cette pénibilité peut être évitée, mais en relation 24/7 et en particulier TPE ça peut être vraiment dur.

 

Du côté du/de la Propriétaire, c'est souvent la contrepartie, à savoir la grande quantité de pouvoir qui est grisante. Certaines personnes aiment le pouvoir et les responsabilités qui accompagnent ce pouvoir. Nul besoin de dire que si vous aimez le pouvoir mais vous ne voulez pas des responsabilités associées, le CNC n'est pas pour vous.

 

Concentrons-nous maintenant sur les relations dans lesquelles le CNC est une modalité relationnelle. Quelles sont les étapes pour mettre en place une telle modalité au quotidien ?

 

La première étape, à mon sens préliminaire et peut-être la plus importante de toutes : choisir un(e) partenaire adéquat(e). Je n'insisterai jamais assez sur l'importance de bien connaître l'autre, sur la compatibilité (limites de cadre notamment). N'ayez pas peur d'être exigeant(e). Ce n'est pas parce qu'il s'agit d'une relation CNC qu'il faut être intimidé et faire des concessions, au contraire. Si vous êtes en relation D/s on/off ou 24/7, négociez bien vos limites avant de vous lancer là-dedans. Si vous êtes en relation TPE, assurez-vous que votre partenaire et vous-même êtes bien sur la même longueur d'onde, que vous avez les mêmes envies, la même vision des choses et les mêmes valeurs. Si vous ne voulez pas d'un(e) Propriétaire polyamoureux(se) par exemple, n'acceptez pas une relation avec lui/elle uniquement par envie d'être la meilleure propriété possible. Vous risquez de souffrir. Il vaut mieux se diriger vers quelqu'un(e) qui désire la même structure relationnelle que vous.

 

La deuxième étape préliminaire, c'est de réfléchir sérieusement à si le CNC est fait pour vous. Je disais plus tôt que le CNC, en particulier en relation TPE, n'est pas toujours une partie de plaisir et ne ressemble pas (que) à nos fantasmes. Il est important d'être lucide, volontaire et faire preuve d'une certaine résilience du côté de la propriété. Si pour vous le BDSM doit toujours être plaisant au sens premier du terme, s'il doit aller dans votre sens et que vous avez un certain besoin de garder un contrôle général dans votre rôle soumis... réfléchissez-y à deux fois.

 

Du côté du/de la Propriétaire, je disais également plus haut qu'il est important de prendre conscience et d'accepter les responsabilités qui accompagnent l'acquisition d'une propriété humaine. Il faut un certain mental de fer (réussir à imposer des choses même quand la propriété est en vraie situation de détresse n'est pas chose aisée, mais ça s'apprend). Il faut beaucoup se renseigner sur les risques des pratiques et des actes que l'on impose pour développer et affiner son analyse des risques (en gros, si vous pensez que le BDSM c'est à l'instinct, je vous déconseille également le CNC).

 

Maintenant que tout cela est clair, il faut commencer à construire cette relation CNC. En fonction de votre configuration relationnelle, décider des domaines de contrôle et des potentielles limites que vous souhaitez imposer. N'hésitez pas à établir une liste basée sur cet article par exemple.

 

Voici quelques "greenflags relationnels" en CNC :

 

- Communication claire et régulière : ne pas hésiter à prendre des rendez-vous réguliers (surtout au début) pour faire le point (les partenaires sont-ils heureux et satisfaits de la relation ? Qu'est-ce qui se passe bien et qu'est-ce qui se passe mal ou moins bien ? Que reste-t-il à travailler ou améliorer ?)

 

- Transparence et responsabilité assumée dans les erreurs : il peut arriver de faire des erreurs, c'est même certain, mais il est primordial de les reconnaître et d'en discuter. L'important est d'en être conscient, de les accepter et de réussir à avancer.

 

- Lucidité : de manière générale, savoir de quoi le/la partenaire est capable et juger si on est soi-même capable de l'endurer (du côté de la propriété).

 

- Reconnaître les patterns : prendre notes de ses réactions lorsque son/sa partenaire agit d'une certaine manière. Cela permet de réaffirmer la compatibilité (ou non) dans la relation. En particulier dans les relations TPE, si certaines réactions naturelles de votre Propriétaire vous blessent, il est bon d'envisager une incompatibilité relationnelle.

 

- Check régulier de confiance : fait-on confiance à son/sa partenaire ? Quand on ressent de la peur dans le CNC, a-t-on peur des actes et de la personne dominante à l'instant où elle nous les fait subir ou a-t-on peur de la personne dominante en général, au point d'être constamment mal à l'aise ?

 

N'ayez pas peur de faire des erreurs, de revenir en arrière ou de redéfinir certaines limites. C'est une étape nécessaire dans la découverte de soi et de ce qui nous plaît. Si vous étiez parti pour du CNC en TPE et finalement préférez vous limiter à du CNC en relation D/s 24/7, c'est une très bonne conclusion ! Si au contraire, vous vous rendez compte que le CNC en on/off ou 24/7 ne vous suffit plus et que vous êtes prêt à passer le cap de la transition vers le TPE... allez-y ! Dans tous les cas, je le répète souvent mais il n'y pas de "mieux" et de "moins bien", chaque configuration a ses avantages et ses désavantages. Dans tous les cas, allez-y progressivement et en gardant en tête les greenflags ci-dessus.

 

Notez également quelque chose d'important (auquel j'ai pensé en lisant ce texte - ajout du 24/02/2024) : au fur et à mesure de votre pratique du CNC au quotidien/dark dynamic, vous allez probablement dévélopper ce qu'on appelle des réponses traumatiques (en tant que personne soumise). Par exemple, je sais que quand Maître s'énerve je suis déjà en train d'anticiper plusieurs gifles de suite et ça me met rapidement dans un état de terreur.  Et plusieurs choses marchent comme ça dans notre relation. J'ai développé de l'anticipation et du stress face à des potentielles actions et réactions de Maître. C'est parfaitement consenti, c'est même voulu, ça fait partie des risques inhérents à accepter dans une relation CNC. Mais il faut que vous réfléchissiez quant à si vous pourriez le supporter. Et si la réponse est oui, je vous conseille plus que vivement de lire attentivement ce texte de vahavta sur Fetlife, qui parle de mitigation des aspects traumatiques en relation CNC.

 

J'aimerais faire une dernière parenthèse sur un sujet qui m'a fait réfléchir récemment : la co-dépendance. C'est un aspect de dark dynamic car il s'agit d'un trait relationnel à la base malsain s'il est présent dans la relation inconsciemment, mais qui peut être vécu de manière saine avec de la lucidité et les bons outils de communication.

 

Il n'est pas rare de tomber dans une forme de co-dépendance entre la propriété et le/la Propriétaire en relation TPE (donc fortement CNC). Ce risque est d'autant plus accru lorsqu'on est atteint de (multi) handicaps comme moi. Maître est non seulemet mon Propriétaire, mais il agit également souvent comme mon aidant. Dans certains cas ce n'est pas un problème puisque nous sommes orientés-contrôle (par exemple, j'ai une phobie des appels téléphoniques mais heureusement, c'est surtout lui qui se charge de prendre nos rendez-vous). Cependant, quand mes handicaps impactent mon service, c'est à la fois quelque chose de difficile pour moi  (je me sens parfois très inutile) mais aussi un catalyseur de masochisme émotionnel. La vie ne serait pas impossible pour moi, sans lui. Mais elle serait sans aucun doute plus rude. C'est une constatation qui nourrit ma dévotion et ma dépendance. Cela peut paraître malsain, mais nous avons pris les bonnes mesures de mitigation et accepté certains risques inhérents à ce type de relation. Nous sommes donc plutôt en paix avec ça. Cette parenthèse sert surtout à vous prévenir de ce fait, et qu'il peut vous arriver. C'est à vous de voir si vous l'acceptez dans la relation ou si c'est quelque chose que vous préférez éviter. Il est important, si cela arrive, que vous ayez un plan pour votre propriété si jamais la relation venait à prendre fin. Je ne vais pas m'étaler sur le sujet car il dépend beaucoup trop de votre situation.

 

J'espère en tout cas que ce petit article introductif au CNC quotidien vous aura été utile, et je vous dis à bientôt !
 


Ressources :

Tous les écrits de vahavta, une mine d'or concernant les relations fortement CNC (en anglais)

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Jude, masochiste et propriété consentante
  • Masochiste, propriété et victime consentante de mon sadique depuis le 10 juillet 2020. Relation CNC 24/7 (TPE) queer & intervalide. Réflexions et éducatif BDSM, relations alternatives, LGBT+, féminisme et handicap.
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