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Jude, masochiste et propriété consentante
22 juin 2023

Pas de limites ? Vraiment ?

Bon, bon, bon. Sujet délicat. Comme d'habitude, la vision que j'expose ici m'est propre et de fait n'engage que moi. De plus, les notions et précautions que je vais aborder ici concernent surtout les relations M/e analogues à la mienne, à savoir TPE. J'ai également choisi une écriture genrée par souci de facilité uniquement.

La faaaameuse question des limites donc. Celle qui revient si souvent et qui est, à mon sens, au centre du débat de la différence entre soumise et esclave. Dans mes écrits, je vous ai souvent présenté une version "idéalisée" de la M/e, en omettant certains aspects humains et inévitables. Je donne souvent l'impression que la M/e est un absolu. Mais dans la vie, tout n'est pas noir et blanc et les relations M/e non plus. Je comptais en reparler aujourd'hui.

Tout le monde a des limites. Les limites évidentes sont bien sûr : la mort, l'isolement total et définitif, les traumatismes graves... et j'en passe. Oui, vous me direz peut-être que ces limites sont si évidentes qu'il n'y a pas besoin des les mentionner. Mais elles existent, qu'on le veuille ou non. J'ai eu tort de prétendre que la question des limites évidentes n'avait pas d'intérêt. Elle en a un, surtout pour les couples débutants en relations M/e.

Au-delà de ces limites évidentes, il y a à mon sens un deuxième niveau aux limites. Un niveau souvent oublié. Il concerne ce que j'appelle "les champs de pouvoir". Pour moi, certaines décisions très délicates devraient être prises à deux, voire décidées avant même que la relation ne commence pour que celle-ci ait une chance de fonctionner et soit saine. J'appelle ça les "limites de cadre". Parmi celles-ci on trouve : la monogamie/polyamour (structure relationnelle), le fait d'avoir ou non des enfants et plus généralement, les limites de valeurs. Par là, j'entends ne pas se soumettre à un Maître qui a différentes ambitions générales, visions du monde, avis politiques, etc. Evidemment, tout couple a ses divergences, mais si vos valeurs sont radicalement différentes... je vous déconseille de vous tenter à une telle relation.

Et enfin, pour les limites plus "classiques" comme les pratiques, je vous dirais simplement que l'idéal est de choisir un Maître qui soit généralement intéressé par les mêmes pratiques que vous. Et là où il y aura des divergences, le but de la M/e est tout de même un engagement à obéir peu importe ce que l'on souhaite (dans notre relation du moins). Mais donc voilà. Les limites existent et se résolvent généralement avec beaucoup de compatibilité et une excellente communication. Et c'est pour ça, entre autres, que les M/e durables sont rares (les M/e tout court aussi, d'ailleurs).

Un deuxième point que je veux mettre au clair concernant mon écrit sur la différence entre soumis(e) et esclave : c'est un cadre théorique que je propose, un modèle en quelque sorte. Par définition, un modèle est faux. Pourquoi ? Il est, en l'occurrence, dépourvu de toutes les subtilités humaines et difficultés rencontrées en relation de couple (tout type, M/e, D/s ou vanille). Dans la théorie oui, c'est facile de dire "j'obéis parce que c'est comme ça, c'est ma condition", ou "l'esclave consent une fois à l'abandon de ses libertés" ou "toute requête est soumise au bon vouloir du Maître" ou encore le fameux "un refus signifie la fin de la relation M/e".
Mais les disputes, ça arrive. Le retrait de son collier par excès de colère lors d'une dispute, un refus car trop énervée, frustrée, mal en point, ça arrive aussi. La perte de contrôle, le non-respect de ses engagements de la part d'un Maître, ça peut arriver aussi. Que ce dernier cède aux supplications de son esclave car par affection ou amour pour elle il déteste la voir mal en point...Bref. Rien n'est absolu, et rien n'est simple.


Évidemment, le but d'une relation M/e sur le long-terme est de devoir faire de moins en moins face à ce type de difficultés. La M/e ce n'est rien d'autre que des engagements à respecter le modèle théorique du mieux que l'on peut. Mais croire qu'une esclave obéira toujours même dans un moment d'émotion intense, croire que du côté du Maître c'est simple de maintenir le contrôle de soi et de l'autre, de ne pas faire de burn-out, de prendre une décision qui va à l'encontre du bonheur de son esclave sur l'instant... non. Vous vous trompez. Tout ça demande une sacrée volonté, une sacrée expérience et connaissance de l'autre, une sacrée communication. Et hélas, nous sommes par nature imparfaits. Donc ce genre de moments existera toujours, même s'ils doivent se faire plus rares pour qu'une M/e fonctionne bien. Mais très clairement, tout n'est pas aussi simple que "t'es Maître, t'as qu'à imposer ta volonté" et "t'es esclave, si tu refuses une fois la relation s'arrête".

Dans mon cas, quand je dis que je n'ai pas de limites, ça implique plusieurs choses. Déjà, je n'ai pas choisi Maître, ce Maître en particulier, pour rien. S'il n'y avait pas eu un minimum de compatibilité en termes de désirs, je n'aurais pas souhaité devenir son esclave. Au-delà de nos compatibilités, il y a maintenant les divergences, celles qui font que beaucoup de couples choisissent justement de poser des limites plus explicites que des limites évidentes ou de cadre. En devenant son esclave, je savais deux choses : d'une part, ce dont il est capable et ce dont il n'est pas capable (de m'imposer). Par exemple, même si ça en fera sourire plus d'un certainement, il ne va pas me tuer. Il n'a ni folie, ni envie de faire face au système judiciaire du pays.

Maintenant, la deuxième chose, puisque les gens oublient souvent que les esclaves ont aussi un cerveau : je sais de quoi je suis capable. En fonction de ce dont il est capable et ce que j'ai appris à accepter pour lui, que ce soit en changeant d'avis avec le temps, en gagnant en confiance etc., je me connais. Tout ce qu'il sera capable de m'imposer, je serai capable de l'accepter. Même des choses difficiles, car il y en a eu et il y en aura encore. Bien sûr, les gens peuvent changer. Après tout, nous-mêmes avons beaucoup changé en 5 ans de relation et presque 3 ans de M/e. Mais pour l'instant, l'évolution n'en est que positive sur ce plan. J'ai confiance que tout changement ne saura être trop brusque à l'avenir et que j'évoluerai également pour pouvoir surmonter les difficultés éventuelles.

Et si jamais Maître changeait catégoriquement, en s'éloignant par exemple de nos valeurs et de ce qui fait que j'ai voulu lui appartenir à la base, alors oui, la relation peut toujours prendre fin. J'ai choisi, symboliquement, de demander la permission si jamais je souhaitais qu'il me rende ma liberté. Ce n'est jamais quelque chose qu'il m'ait accordé sur un coup de colère. Cependant, il ne veut pas d'une esclave malheureuse et si je le devenais sur le long-terme il me libérerait lui-même. Ou alors ça fait 5 ans que je me trompe intégralement sur sa personne. Bref, vous comprenez bien, là on parle de probabilités extrêmement faibles.

Mais je comprends les gens qui cherchent à trouver les micro-failles dans un système, je l'ai moi-même longtemps fait pour me sentir légitime dans ma M/e. C'est évident que la M/e n'a rien d'un système parfait et on pourra toujours trouver la petite bête du "mais t'es vraiment esclave si...?". Si le système était parfait il y aurait un consensus, et on serait sûrement tous d'accord sur la définition de l'esclave (ou du moins en majorité). On est dans la vraie vie là, pas dans un fantasme. Je me contenterai donc de cette approximation. Donc non, à tous les curieux qui s'imaginent possibilités de mort ou tout autre démonstration insensée de pouvoir : Maître ne prend pas toujours les meilleures décisions, et je fais avec (après tout qu'est-ce qu'une bonne décision ?), mais elles sont toujours un minimum raisonnées.

Le TPE (total power exchange), n'est pas un état dans lequel on se trouve mais un idéal vers lequel tendre. Un engagement à tendre du mieux que l'on peut vers cet idéal, tout en restant humains. Mais "l'absolu", "l'abnégation totale" n'existent pas à mon sens. La nature humaine, et même la nature en général, est trop complexe pour ça. Ce qu'il faut, c'est simplement faire de son mieux pour respecter ses engagements. Et si les choses se passent mal, si le Maître ou l'esclave font des erreurs : on les reconnaît, on pardonne et on avance.

Bon maintenant pour nuancer cet article qui détruit peut-être complètement les fantasmes de certains... je tiens à attirer votre attention sur quelque chose.

Même s'il y a un cadre général défini pour une relation M/e avec du CNC telle que je la vis, même s'il peut y avoir un ou plusieurs garde-fous... ça reste un mode de vie dans lequel il est DANGEREUX de se lancer en connaissant peu le BDSM, soi-même et son partenaire. Les limites sont considérablement réduites par rapport à une relation D/s :  j'ai donné mon consentement une fois, pour tout ce que Maître m'imposera. De ce fait, pour vous engager dans une telle relation, il faut non seulement que vous ayez une grande confiance en l'autre, mais aussi (et peut-être avant tout) une grande confiance en vous. Une grande confiance en vos capacités de gestion des choses difficiles. Une grande connaissance de soi aussi, pour savoir ce que vous seriez prêt(e) à accepter ou non sachant ce que votre Maître a la capacité de vous imposer.

C'est donc un long parcours de réflexion et de questions à se poser avant de se lancer dans une relation M/e aussi intense.

Mais donc, conclusion ?

Non, la M/e n'est pas aussi "absolue" en termes de limites que dans la fiction et il ne faut pas être "parfait" pour y arriver. Mais ça reste sérieux, dangereux et tout de même très extrême par rapport à une relation D/s ou vanille. Psychologiquement, c'est lourd. C'est demandant. Et parfois vraiment difficile. Ne vous engagez pas là-dedans si vous ne vous connaissez pas bien et n'avez pas la force de supporter tout ça. Ce n'est pas fait pour tout le monde, et encore moins pour un couple qui se connaît à peine.

En revanche, si c'est votre désir et que vous avez pris les mesures nécessaires pour une M/e saine, compatibilité, communication et connaissance de l'autre et de soi seront vos alliées dans ce chemin. Un chemin pas toujours évident, mais qui en vaut la peine.

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Ressources :

Un petit écrit sur le TPE provenant d'un ancien site sur la M/e

Une vidéo de Evie Lupine sur le CNC (entre autres)

Mon article sur le profil de risques (Risk Profile)

 

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Jude, masochiste et propriété consentante
  • Masochiste, propriété et victime consentante de mon sadique depuis le 10 juillet 2020. Relation CNC 24/7 (TPE) queer & intervalide. Réflexions et éducatif BDSM, relations alternatives, LGBT+, féminisme et handicap.
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