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Jude, masochiste et propriété consentante
12 janvier 2024

L'histoire (toujours aussi compliquée) de mon identité de genre

Dans la continuation de mon écrit sur mon orientation sexuelle, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de mon identité de genre.

 

J'en parle assez peu sur ce blog, et puisque j'utilise des pronoms féminins ici c'est encore moins évident pour certains d'entre vous, mais je ne suis pas une femme. J'ai fait mon coming-out non-binaire à Maître il y a un peu plus de deux ans, en juillet 2021. Mais comment en suis-je arrivée là ?

 

Petit retour dans le passé. Mes parents ont divorcé quand j'étais très jeune (au point où je n'en ai aucun souvenir) et j'ai toujours majoritairement vécu avec ma mère. Ma mère a certes des défauts, mais j'ai eu la chance qu'elle n'ait jamais été très portée sur les stéréotypes de genre, se considérant elle-même assez féministe. J'ai donc grandi de manière assez "neutre" avec elle, je ne me suis jamais sentie traitée d'une manière particulièrement différente parce que j'étais assignée fille. Bien que ma garde-robe ait été à la base plutôt féminine par convention sociale, ma mère ne m'a jamais encouragée à m'intéresser à des choses stéréotypiquement féminines. Ni maquillage, ni robes, ni activités "féminines" comme la cuisine (elle-même déteste ça, donc ça ne risquait pas trop d'arriver).

 

Jusqu'à un certain âge (qui est arrivé quand même bien assez vite), je n'avais d'ailleurs que peu saisi les différences sociales entre les groupes sociaux "fille" et "garçon". C'est au CP que j'ai clairement commencé à sentir le décalage. Dans la cours de récréation, plus particulièrement. Il était assez clair que les jeux et les groupes d'amis étaient divisés en genres. Au-delà d'une évidente introversion et d'un léger désintérêt pour mes pairs pour des raisons autres que le genre, j'ai rapidement également ressenti que je n'appartenais à aucun de ces groupes. Je ne savais pas vraiment expliquer pourquoi, mais je ne me suis jamais sentie vraiment à ma place parmi les filles ou les garçons. J'ai tout de même majoritairement eu des amitiés féminines, mais elles étaient rares et bien souvent il s'agissait de personnes qui, comme moi, avaient peu de centres d'intérêt et de comportements genrés.

 

Bien sûr, rien de tout ça n'était une garantie que mon genre ne correspondrait pas à celui qu'on m'avait assigné, tout comme un enfant assigné garçon qui joue avec des jouets "féminins" ne sera pas forcément une femme transgenre. Mais en rétrospective, ce sentiment de décalage par rapport aux autres qui ne s'expliquait pas uniquement par une introversion ou différence de mentalité me fait dire qu'il s'agissait bien d'un signe chez moi.

 

En grandissant, je suis passée par plusieurs phases. La majorité de mon collège a été vécue dans la continuation de ma mentalité du primaire au niveau de mon rapport au genre. La seule chose qui commençait à avoir un léger impact, c'est mon corps. Je me souviens assez clairement, à l'âge de 12 ans, avoir une poitrine que je jugeais trop généreuse. Elle ne l'était pas tant que ça en réalité, aujourd'hui elle est d’ailleurs (heureusement) assez petite, mais ma perception était altérée et j'ai eu une grosse phase de complexes. Et puis, peu à peu, j'ai commencé à développer les mêmes complexes sur mes hanches que je jugeais trop larges. Je voulais qu'elles soient beaucoup plus proches des hanches "masculines". Je pense aujourd'hui qu'il s'agissait effectivement d'une part de complexes adolescents, mais aussi une part de débuts de dysphorie associée à la féminisation progressive de mon corps.

 

Puis vers 14 ans, j'ai voulu faire comme toutes les autres filles. C'est une phase qui a duré presque tout le lycée. J'ai commencé à m'habiller de manière féminine, à mettre en valeur mes "atouts". Je pensais ainsi gagner en confiance, mieux m'intégrer et vaincre mes complexes. Sachant que les années lycée ont été probablement les pires de ma scolarité, je dirais que ça n'a pas trop marché !

 

Ensuite, je suis partie en études supérieures. J'allais mieux mentalement, je ne me sentais plus d'être quelqu'un de "faux" comme au lycée et pendant un ou deux ans, je ne me suis pas trop posée de questions. J'avais toujours quelques complexes (notamment mes hanches) mais je ne m'imposais plus de féminité exacerbée et j'avais arrêté de faire des efforts considérables pour "agir comme une fille". Je suis un peu revenue à ma mentalité du collège finalement. Un décalage avec les groupes sociaux "homme" et "femme", pas d'identification particulière à mon genre assigné... mais bon. Puisque j'avais un vagin et des seins ça faisait de moi une femme, non ? Pas besoin de chercher plus loin.

 

Puis, j'ai découvert le terme de non-binarité en 2019. Au départ, j'avoue avoir eu du mal à adhérer au terme pour diverses raisons qui seraient trop longues à expliquer ici. Il a cependant été le début d'un questionnement sur mon genre, sur mes constructions sociales et sur mes préjugés. Comme toute bonne hyperfixation (merci le TDAH), je me suis beaucoup renseignée sur la théorie du genre et j'ai appris énormément. J'ai compris que oui, c'était possible de ne pas forcément se retrouver ni dans le genre féminin ni dans le genre masculin, et qu'on n'était pas obligés d'accepter ce qu'on nous avait assigné à la naissance. J'ai commencé à essayer d'autres pronoms, diverses micro-étiquettes, avoir envie d'un binder pour avoir une poitrine plate quand je le désirais...

 

Je n'ai d'ailleurs pas été transparente avec Maître tout de suite. J'aurais dû l'être, mais je ne me sentais pas prête. Lorsqu'il m'a acheté mon premier binder, je lui avais fait croire que ce n'était pas lié à mon genre, mais juste une envie de paraitre plus androgyne de temps en temps. Comme beaucoup de personnes non-binaires et trans, j'ai eu les larmes aux yeux et j'ai ressenti une immense euphorie la première fois que j'ai mis le binder en question. Je pense que ça a été une de mes plus grosses confirmations concernant mon genre.

 

Puis en juillet 2021, Maître a découvert ma non-binarité en se baladant sur mon compte reddit. Concrètement, je savais qu'il y avait accès mais je n'avais jamais pensé qu'il irait vraiment voir. Je pensais même qu'il avait oublié l'existence de ce compte. Il m'a révélé un matin qu'il était tombé sur des posts dans lesquels je questionnais mon identité. Il m'a alors demandé si j'étais non-binaire et si je me sentais capable d'en parler. Je me suis sentie nue, exposée, humiliée. Pourtant je savais que c'était son droit. Mais durant les quelques heures qui ont suivi cette révélation je n'ai rien pu dire. Je ne pouvais pas le voir ni lui parler. J'étais terriblement mal à l'aise.

 

Puis nous en avons parlé. Maître n'est pas dupe, il avait bien remarqué mes changements, il avait déjà plaisanté sur une possible non-binarité lorsqu'il avait acheté mon binder... mais surtout, il a été extrêmement bienveillant. Il m'a assuré qu'il me soutenait, qu'il était toujours très attiré par moi si ce n'est plus et a immédiatement voulu en apprendre plus sur mes pronoms et ce qui me rendait dysphorique. Bien sûr, tout cela devrait être normal de la part d'un partenaire mais on est dans une société qui ne nous habitue malheureusement pas toujours à ce genre de comportements. Et même si je me doutais de la réaction de Maître, je n'avais pas réussi à lui en parler jusque là. Aujourd'hui je suis finalement soulagée qu'il ait fini par découvrir ça par lui-même.

 

Maintenant, certain d'entre vous se demanderont peut-être : "Mais si tu n'étais pas particulièrement malheureuse avant, quand tu te considérais femme, à quoi ça sert de se casser la tête et changer d'étiquette ?"

 

Déjà, ça m'a fourni des réponses. Je sais aujourd'hui que mes "complexes" ne sont pas des complexes mais de la dysphorie à laquelle je peux remédier un peu avec certains vêtements et postures, par exemple. Ensuite, je me sens enfin entièrement moi et c'est libérateur par rapport au sentiment toujours un peu "incomplet" et en décalage que j'avais lorsque "j'étais une femme". Je suis aussi devenue plus sensible à certaines choses, mais ça fait partie de toute la déconstruction que j'ai faite à ne pas constamment accepter les traits que les autres m'assignent comme si c'était normal. Non, ce n'est pas parce que les autres disent que je suis une femme que je dois l'accepter.

 

La raison pour laquelle les personnes non-binaires font leur coming-out souvent tardivement, c'est parce que la société nous dicte depuis qu'on est gosses qu'il n'y a que deux catégories possibles : homme et femme. Peut-être que si je n'avais jamais découvert la non-binarité, je n'aurais pas été si malheureuse, en effet. C'est sûr que par rapport aux personnes tellement dysphoriques qu'elles font des dépressions, ma dysphorie est plus que gérable. Mais j'ai enfin l'impression d'être 100% honnête avec moi-même. Je suis plus vraie, plus heureuse et paradoxalement, bien plus à l'aise avec la féminité maintenant que je ne l'étais en tant que femme.

 

Les étiquettes ne sont pas toujours là pour nous enfermer. Parfois on en a simplement besoin pour savoir qu'on a le droit d'exister. D'être authentiquement et intégralement nous-mêmes. 

 

Et alors, où en suis-je aujourd'hui ? Fièrement queer et non-binaire. Je m'apprivoise peu à peu, j'apprends à trouver ce qui me convient et je m'aime beaucoup plus qu'avant. J'ai eu une coupe courte pour mon anniversaire, je vais à la salle de gym régulièrement avec Maître pour développer mes muscles, je mets parfois mon binder et j'apprends (seule) à poser ma voix pour la masculiniser un peu. En somme, pas mal d'euphories et peu de dysphories ! Et non, la masculinisation ne fait pas de moi un homme. Simplement une personne qui a choisi d'équilibrer un peu son apparence autrement féminine.

 

Et pour les grands curieux, pour l'instant ni la testostérone ni la chirurgie ne sont prévues pour moi, pour un grand nombre de raisons que je n'exposerai pas ici. Et ça ne fait pas de moi une personne moins non-binaire ou trans pour autant. D'ailleurs, même si j'avais choisi de rester très féminine tout le temps, ça ne changerait rien à mon identité de genre.

 

WE ARE VALID. 

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Jude, masochiste et propriété consentante
  • Masochiste, propriété et victime consentante de mon sadique depuis le 10 juillet 2020. Relation CNC 24/7 (TPE) queer & intervalide. Réflexions et éducatif BDSM, relations alternatives, LGBT+, féminisme et handicap.
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