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Jude, masochiste et propriété consentante
21 février 2024

Non-binarité et TPE

Aujourd'hui, un petit article au croisement de la sensibilisation sur la transidentité et du BDSM.

 

Comme vous le savez peut-être déjà, je suis non-binaire. Bien que mon genre ne soit ni aligné homme (miaspec) ni aligné femme (fiaspec), je me définis également comme une personne plutôt orientée transmaculine. Pour ceux qui ne savent pas ce que ça veut dire en langage LGBT, ça peut communément signifier trois choses. Premièrement, il désigne toute personne AFAB (assignée femme à la naissance) qui a transitionné vers le côté miaspec du genre (donc hommes trans et personnes non-binaires miaspec). Mais on a déjà établi précédemment que ce n'était pas mon cas. Du point de vue du genre, je me considère plutôt transneutre. Dans le cas de personnes AFAB non-binaires non-alignées comme moi, ça peut simplement être un qualificatif d'expression de genre à prédominance masculine ou alors d'identification plus ou moins prononcée à la masculinité (et non au genre masculin attention, c'est différent). Dans mon cas, c'est plutôt les deux dernières options.

 

En effet, j'ai une expression de genre plutôt androgyne (j'aime porter des vêtements masculins pour "équilibrer" mes traits naturellement féminins) et des comportements plutôt masculins. Mais mon genre, bien que fondamentalement épicène, a également souvent une sorte de "teinte" masculine. Cela s'exprime, par exemple, par une préférence pour certains termes masculins par rapport aux termes féminins pour décrire mon identité et ma relation avec Maître. Un exemple serait que je qualifie mon attirance pour les hommes comme queer et pédé (elle a davantage une teinte "gay" que "hétéro", à choisir), pour autant elle reste très éloignée des relations homosexuelles entre hommes cis. Mon type de "gay" à moi est un rapport queer entre transmasc et homme/miaspec. Ce n'est pas forcément quelque chose de simple à expliquer aux personnes binaires car c'est intimement relié au ressenti non-binaire et transmasc, ainsi seul(e)s certain(e)s adelphes comprendront peut-être de quoi je parle.

 

Par ailleurs, je reste avant tout non-binaire non-alignée et ainsi certains termes masculins (homme, Monsieur) ne me conviennent pas non plus. Et contrairement à ce que certain(e)s peuvent penser, ce n'est pas parce que je suis plutôt transmasc que je ne m'habille que de manière masculine. Certains vêtements féminins (s'ils ne font pas trop "femme fatale") me plaisent tout de même à porter (et non, je ne suis pas un femboy non plus). Bref, pour conclure, la transmasculinité est une identité très variable qui dépend beaucoup de la définition que la personne concernée utilise et de ses préférences.

 

Donc, comme j'en parlais dans cet article, Maître a découvert ma non-binarité en juillet 2021, après des mois et des mois de questionnement sur le sujet. J'ai eu de la chance d'avoir un Maître qui était depuis quelques temps de plus en plus à l'aise avec son orientation queer. Il n'a de fait même pas véritablement eu besoin de remettre en question son orientation sexuelle pour savoir qu'il était attiré par moi. Je demandais à être rassurée régulièrement au début vis à vis du fait qu'il me perçoive bien comme mon genre et non une femme. Il savait (et sait) toujours me rassurer avec sincérité. Découvrir ma non-binarité lui a également permis d'explorer avec plus de profondeur son attirance pour les personnes non-binaires et transmasculines, pour mieux me comprendre et me mettre à l'aise dans mon identité par rapport à lui et à notre relation.

 

Au niveau de l'apparence, je portais déjà un binder de temps en temps avant de faire mon coming-out, mais à présent de nouvelles questions s'imposaient : que se passerait-il si j'avais besoin de transitionner médicalement ? Maître dit toujours qu'il apprécie et préfère a priori mon corps tel qu'il est actuellement, avec ou sans binder, mais qu'il m'autoriserait et me soutiendrait dans des démarches de transition médicale si la dysphorie devenait trop insoutenable. J'y ai songé, bien sûr. Nous avons pesé les pour et les contre de certaines interventions ensemble. Pour l'instant, les contre l'ont emporté sur les pour et j'ai la chance de n'être que légèrement dysphorique sur le plan corporel. Mais quoiqu'il en soit, j'étais heureuse de savoir que Maître serait à mes côtés et que ce ne serait pas forcément un motif de séparation ni un poids avec lequel je serais forcée à vivre pour être à ses pieds.

 

Une fois cette question écartée, il y avait en parallèle la question de la transition sociale : comment se référer à moi, quels termes me mettent à l'aise ? Maître a su s'adapter assez vite au langage qui me correspondait. Au fur et à mesure de la découverte de ma transmasculinité, il est devenu de plus en plus à l'aise à utiliser des termes neutres et masculins. Il les apprécie, même. De plus en plus. Pour les vêtements, Maître n'a jamais vraiment aimé les tenues vestimentaires affichant une féminité exacerbée, ce qui arrangeait bien mes affaires. Il a toujours préféré m'imposer des pantalons plutôt que des robes. De même pour ma coupe de cheveux. Il aimait bien mon carré court, mais l'idée que j'aie une coupe masculine lui plaisait davantage. Certaines épilations imposées font toujours partie de mes règles en tant que propriété (bien que Maître soit plus laxiste maintenant; peu à peu mon identité contribue à sa déconstruction sur l'expression de genre). De manière générale, nous avons trouvé un bon équilibre entre ses préférences et mes besoins.

 

Cela ne veut pas dire pour autant que Maître se refuse le droit de m'imposer des choses difficiles du point de vue de mon genre de temps en temps, s'il en a envie. Il reste avant tout mon Propriétaire et jouer sur une facette de mon identité est un droit qu'il se réserve. S'il a par exemple envie de me féminiser même lors d'un jour où ça me met mal à l'aise, il en a le droit. C'est une possibilité que j'ai acceptée dans cette relation. Là aussi, tout est une question d'équilibre entre m'imposer ce qu'il a envie de m'imposer car je lui appartiens, mais s'assurer que je ne sois pas en détresse durablement. Il y a une différence entre me faire souffrir sur l'instant et faire souffrir la relation au long-terme.

 

La sexualité et le service sexuel ont d'ailleurs été un grand sujet dans ma non-binarité. Maître m'utilise comme il en a envie et je n'ai pas mon mot à dire là-dedans. Récemment, lorsqu'il m'utilisait sexuellement, j'ai aperçu une partie de mon reflet à travers l'écran de la télévision et la position dans laquelle j'étais m'a rendu dysphorique. Je me trouvais trop "femme" dans cette position et ça mettait en valeur des parties de mon corps qui ne me plaisaient pas particulièrement ce jour-là. Je lui en ai fait part car il est important que je lui dise les choses. Pourtant, nous n'avons pas immédiatement changé de position. J'ai simplement détourné le regard et j'ai poursuivi mon action car l'important ici, c'était de lui donner du plaisir. Comme toujours, Maître me connaît et les risques étaient calculés. Je n'allais pas faire un meltdown pour si peu.

 

Un autre exemple serait celui des cunni. Je n'ai jamais été très à l'aise d'en recevoir, pour plusieurs raisons : en partie car je préfère donner et être utilisée pour le plaisir de l'autre que recevoir. Je n'aime pas qu'on porte une attention particulière à mon propre plaisir sexuel. La deuxième est en lien avec mon genre : je trouve l'acte trop féminisant. Je l'associe beaucoup trop au fait d'être une femme. C'est comme ça pour moi, mais évidemment ce n'est pas le cas de toutes les personnes non-binaires qui ont la même anatomie. Et de temps en temps (de plus en plus souvent maintenant), Maître m'utilise sexuellement de manière très gender affirming et ça me fait un bien fou. La dernière fois, sans rentrer dans les détails intimes qui ne regardent que nous, j'en ai pleuré d'euphorie !

 

La dernière chose qui a été sujet de réflexion, c'est le regard des autres. Nous avons bien sûr remarqué que la communauté BDSM accueillait beaucoup mieux les minorités de genre que le monde vanille (il y a encore des efforts à faire, notamment vis à vis des tarifs genrés en soirée, mais on avance bien). De fait, le regard des autres n'est pas si dur. Récemment, je suis allée à mon premier munch & play en tenue masculine (chemise blanche, pantalon, coupe masculine). Beaucoup plus de personnes m'ont demandé mes pronoms ou genrée au masculin lors de cette soirée.  Et de son côté, Maître hésite de moins en moins à ne plus me genrer exclusivement au féminin à l'oral en présence des autres, et utiliser des termes masculins pour moi même en public. Ce sont évidemment des choses qui me font très plaisir.

 

Finalement, c'est aussi en cela que je m'estime chanceuse : aucun de nous deux n'a eu à beaucoup s'adapter. J'ai vraiment l'impression d'être moi-même avec lui, et ce depuis le début. La transition de genre et relationnelle s'est faite tranquillement, organiquement.

 

C'est vraiment ce que je souhaite à chaque couple ou polycule dans une configuration similaire à la nôtre. Et si vous, en tant que lecteur(ice), êtes dans une telle configuration, n'hésitez pas à vous inspirer de cet écrit pour discuter des choses qui vous semblent importantes pour être à l'aise dans vos relations (ça s'applique aussi aux relations platoniques) ! Soutien et courage à vous.

 

Ressources

 

- Le groupe Trans Education sur Fetlife, créé par des personnes trans et non-binaires dans un but éducatif pour les personnes cis

 

- Tout plein de ressources centrées sur la non-binarité (en anglais)

 

- Un article assez complet sur la non-binarité, mais aussi celui-là et celui-là (tous en français !)

 

- Et enfin une page remplie de témoignages (toujours en français)

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Jude, masochiste et propriété consentante
  • Masochiste, propriété et victime consentante de mon sadique depuis le 10 juillet 2020. Relation CNC 24/7 (TPE) queer & intervalide. Réflexions et éducatif BDSM, relations alternatives, LGBT+, féminisme et handicap.
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