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Jude, masochiste et propriété consentante
31 octobre 2023

Souffrir comme on aime

Joyeux Samhain !

 

Dans un article récent, je parlais du fait que Maître et moi assumions davantage à présent notre TPE axée sur le SM. Nous assumions davantage que les fondations de cette relation d'appartenance soient des aspects "sombres".

 

Il y a quelques mois, j'ai vu une conférence (probablement ma conférence préférée à ce jour) de deux éducateurs américains en TPE (Sir Luke et son esclave victor). Cette conférence s'appelle "Our love language is suffering " se traduisant en français par "Notre langage de l'amour est la souffrance". Si j'aime autant ces éducateurs et cette conférence, c'est parce qu'ils font partie des rares couples TPE dont le schéma relationnel ressemble au nôtre. Un des rares couples TPE pour qui le SM est au coeur de la relation et de l'expression de leur amour mutuel. Lorsqu'ils ont expliqué pourquoi le SM était aussi central dans leur relation, autant du côté masochiste que sadique, je m'y suis reconnue. Pas dans toutes les anecdotes bien sûr, mais dans beaucoup de principes.

 

Ici, inspirée par cette conférence, je vais donc parler de pourquoi la souffrance est un langage de l'amour dans notre relation. Pourquoi elle est aussi centrale. Ce qu'on y trouve par rapport à une relation plus classique et plus protocolaire. Un petit disclaimer tout de même, c'est un texte profondément personnel qui mentionne des sujets difficiles. C'est parti.

 

Sans rentrer dans les détails, je ne viens pas d'une famille où l'affection et la tendresse explicites étaient très présentes au quotidien. Je dirais même plutôt l'inverse. Au niveau amical et scolaire, mes troubles m'ont aussi causé un certain nombre de soucis, en particulier à l'adolescence. D'une certaine manière, j'ai appris à trouver une forme de sécurité dans les comportements plus froids et plus durs. Très tôt, j'ai appris à distinguer la bienveillance de la douceur et de la tendresse. Dans ma famille, j'ai vite compris que les personnes les plus dures tenaient à moi et les plus tendres étaient hypocrites. Il est possible que ça ait donc contribué à mon attirance pour le sadisme et l'absence de comportements traditionnellement tendres.

 

Je pense que c'est aussi en ça que plutôt qu'un copain, je me suis rapidement dirigée vers des sadiques comme partenaires. Je le faisais de manière assez inconsciente et plutôt malsaine à la base. Je l'ai sûrement déjà mentionné dans d'autres articles, mais avant Maître, je n'ai eu qu'une brève relation assez toxique. Il me traitait de manière froide et me voyait davantage comme un objet de plaisir que comme une personne. Et pourtant, malgré son comportement malsain, je ne pouvais m'empêcher de tirer une satisfaction masochiste de ce traitement.

 

Dans toutes mes relations, qu'elles soient amicales, familiales ou autres (sauf avec Maître et j'expliquerai pourquoi par la suite), tout acte de tendresse traditionnelle me met mal à l'aise. Je ne suis pas câline. J'ai une large préférence pour les personnes presque cassantes et qui m'aident à relativiser lorsque je vais mal. Elles me remettent sur le droit chemin et m'aident bien plus que les personnes encourageantes et gentilles. Bref, j'ai appris à me retrouver dans cette froideur, à l'aimer.

 

Donc concrètement, et de manière générale, je recherche les mêmes schémas dans ma relation avec Maître. C'est sécurisant. Et comme je disais précédemment, la bienveillance est une chose, la tendresse et la douceur en sont une autre. Un Maître sans fond de bienveillance est un redflag pour moi. Mais cette bienveillance n'a pas besoin d'être exprimée à travers des gestes affectueux. Tant que je le sais être responsable et ne pas désirer me nuire, je n'ai pas besoin de beaucoup plus. Et à partir de là, son sadisme devient uniquement une force. En me permettant d'exprimer mes besoins masochistes, il voit toutes mes facettes, toutes mes parts d'ombre. Et il les accepte. Il est le seul avec qui je peux me permettre une telle sincérité. Lorsque je suis dans un état de vulnérabilité profonde, d'impuissance face à lui, et que je lâche enfin prise. Lorsque ce masque tombe, je deviens moi. Il n'y a que la souffrance qu'il m'inflige qui me permet d'atteindre cet état. Et c'est une des plus belles preuves d'amour que de lui permettre de me voir intégralement comme je suis.

Du côté de Maître, c'est exactement le même schéma : il n'a pas besoin de porter de masque avec moi, pas besoin de se comporter de manière tendre s'il ne le désire pas. S'il veut simplement me violenter, physiquement ou verbalement, il peut le faire. Il sera authentique tout autant que moi. Et j'aime et j'accepte pleinement cette facette de lui. Et paradoxalement, c'est aussi pour ça que je me sens à l'aise avec les actes traditionnellement affectueux dans notre relation. Il m'a vue sous tous mes aspects, dans mes moments les plus sombres, dans mon masochisme. Et moi aussi je l'ai vue, sa part d'ombre et son sadisme. C'est profondément intime, et ouvrir les portes de nos intimités mutuelles a par la même occasion ouvert la porte à des actes intimes encore plus difficiles pour moi comme la tendresse. Cette facette s'exprime toujours avec lui de manière sincère.

 

Enfin, une dernière raison beaucoup plus évidente qui explique pourquoi, chez nous aussi, la souffrance est notre langage de l'amour : quand on aime la douleur, qu'on recherche les shoots d'endorphines, comment ressentir autre chose qu'une profonde affection pour le sadique qui nous donne enfin notre dose ? Et cette affection, comment ne peut-elle pas être maximale quand il s'agit du sadique qui nous possède tout entière ? De la même manière, lorsqu'on aime infliger la douleur, quelle n'est pas la satisfaction d'avoir à disposition un objet à qui on peut imposer douleur et violence ? Un objet qui nous appartient et nous obéit à tout instant ? Un objet précieux à qui on peut tout faire ?

 

À côté de ça,  on comprend vite que les relations M/e et D/s "classiques" axées sur les protocoles en particulier, ne sont pas faites pour nous. Les protocoles sont pour la majorité d'entre eux des artifices à nos yeux. Se donner simplement à travers le service et l'obéissance nous ennuie profondément. Si je ne suis pas possédée par la force, si je ne suis pas tenue par le SM, alors qu'est-ce qui me tient ? D'où provient ma dévotion ? Ce sont bien sûr des questions auxquelles beaucoup de couples M/e ont une réponse qui leur convient et je ne remets pas du tout en question ce type de relations. Je pense juste que nous ne sommes pas faits pour les mêmes choses.

 

Oui je suis sa propriété, oui je lui obéis et oui je le sers. Parce que tous les jours il me possède, souvent il me violente, régulièrement il sait me rappeler que je suis à lui et que je n'ai pas le choix.

 

Je souffre comme je l'aime et comme il m'aime il me fait souffrir.

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Commentaires
L
Merci de partager une autre vision. Il est vrai qu’on a souvent le sentiment «d’être obligés » de passer par les protocoles même quand ça ne nous correspond pas entièrement et c’est agréable de voir que finalement certains font sans, ou avec mais dans une moindre mesure
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Jude, masochiste et propriété consentante
  • Masochiste, propriété et victime consentante de mon sadique depuis le 10 juillet 2020. Relation CNC 24/7 (TPE) queer & intervalide. Réflexions et éducatif BDSM, relations alternatives, LGBT+, féminisme et handicap.
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