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Jude, masochiste et propriété consentante
14 mai 2022

Le consentement irrévocable

Petit disclaimer : écriture genrée par souci de facilité. La Domination et soumission n'ont pas de genre.

En me baladant sur Fetlife ce matin même, je suis tombée sur un texte qui mentionnait la notion de "consentement irrévocable" en relation M/e. Je vois déjà les yeux s'écarquiller et les poils se hérisser devant un tel terme. C'est pourquoi, en tant que grosse amatrice des prises de têtes et des réflexions existentielles sur des sujets abstraits, j'ai voulu me pencher sur cette fameuse question.

La femme qui parlait de ce consentement irrévocable, en l'occurence une esclave en M/e, n'est pas la seule personne que j'aie vu mentionner cet aspect de sa relation. La notion peut faire peur, et ça se comprend. Après tout, le consentement est la base de toute pratique ou relation BDSM, et s'il n'est plus révocable on peut rapidement basculer dans une relation abusive. Ainsi, le consentement irrévocable n'est-il pas une idée malsaine et toxique ?

Dans mon analyse de ce concept, j'aimerais déjà attirer votre attention sur un point particulier : sur le plan légal et juridique, un Maître n'a aucunement un pouvoir absolu sur son esclave. Il n'y a pas de reconnaissance officielle de l'esclavage consenti, de possibilité de "forcer" ou reconnaître un consentement irrévocable dans la loi française. Ainsi, il est à mes yeux idiot de croire que si une esclave est mentalement disposée et veut quitter sa relation, elle ne le peut pas. Même si elle a déjà fait des voeux de consentement irrévocable, la loi sera toujours de son côté si jamais elle est maintenue de force dans une relation qu'elle ne souhaite plus entretenir.

Bon maintenant que tout cela est clair, soyons honnêtes : la plupart des esclaves qui parlent de consentement irrévocable ne sont pas stupides, elles sont bien au courant de ce que la loi pense de cette affaire... à savoir, qu'elle s'en fiche ! Et qu'au même titre qu'un contrat BDSM, le consentement irrévocable ne sera jamais un argument recevable au tribunal. Donc, pourquoi parler de consentement irrévocable ?

Eh bien là aussi, au même titre qu'un contrat de soumission, le consentement irrévocable est un engagement symbolique. En général, lorsqu'une esclave et un Maître parlent de consentement irrévocable dans leur relation, ça signifie plusieurs choses : 1) La relation est stable depuis plusieurs années, 2) La relation est épanouie, 3) L'esclave ne se voit plus quitter les pieds du Maître (ce n'est mentalement quelque chose qu'il/elle ne peut tout simplement plus envisager).

Alors bien évidemment, parfois il arrive que les relations soient malsaines, que l'esclave soit manipulée, qu'elle soit brisée mentalement ou menacée, qu'il/elle ait tout simplement peur des conséquences de quitter la relation... mais je pense que c'est des cas rares, avec des problèmes relationnels dès le départ de la relation. Je pense sincèrement d'ailleurs que ce n'est absolument pas réservé au BDSM, que si une relation est composée d'individus toxiques/abusifs, ce sera le cas peu importe le type de relation. Donc rejeter la faute sur la M/e, c'est un argument invalide. Après bien sûr, la M/e comporte des risques. Laisser autant de pouvoir à quelqu'un doit être un acte très réfléchi et progressif. Mais je vous invite à lire mon article sur la différence entre soumis(e) et esclave ou encore celui sur les 10 champs de pouvoir, pour comprendre peut-être un peu mieux ce dont je parle.

Un autre aspect sur lequel il ne faut pas se leurrer, c'est que oui, même dans une relation M/e avec consentement irrévocable... eh bien la relation peut finalement prendre fin pour diverses raisons. Le Maître peut y mettre fin, l'esclave peut mettre fin car n'adhérant finalement plus à la vision du Maître, pour des raisons de maladie, parfois plus graves... Bref. Un engagement est un engagement, mais parfois la vie en décide autrement.

Pour conclure, je dirais que cette symbolique n'a de sens que d'un point de vue purement psychologique de l'esclave. Sur le plan moral, légal et littéral, dire que quelque chose de révocable dans l'absolu est en fait irrévocable n'a pas de sens. L'esclavage BDSM est différent de l'esclavage des temps anciens précisémment pour cette raison. Si certaines personnes utilisent donc le terme "irrévocable" c'est bien pour des raisons personnelles, profondément psychologiques et pour mettre une emphase sur la notion de possession. Si l'on s'arrête à cet aspect psychologique rappelant au CNC, je dirais que ça fait plutôt pas mal écho en moi. En effet, je me suis engagée à lui demander la permission d'être libérée, si jamais cela devait arriver. Néanmoins, je reste lucide sur le fait qu'aucun Maître ne veut d'une esclave malheureuse et je finirais par être libérée si au long-terme la relation ne me convenait vraiment plus.

Je ne décrirais donc pas ma relation avec Maître comme une relation avec consentement irrévocable pour des raisons de cohérence, mais je me rattache aux valeurs psychologiques et symboliques des relations Maître/esclave qui l'emploient.

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Commentaires
D
Je n'aime pas tellement le mot "esclave", je préfère celui de soumise. Le contrat avec le Maitre et la soumise est un contrat moral, la soumise a établie une relation de confiance avec le Maitre, pour moi c'est un jeu qui dure et chacun y trouve son plaisir. L'essentiel étant de s'épanouir sexuellement et être heureuse comme ça.
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M
Je suis plutôt d'accord avec ton analyse. Je ne m'y connais que modérément, mais pour ce que j'en sais, sur le plan pragmatique, un engagement de consentement irrévocable dans une relation éprouvée ne constitue pas un véritable risque.<br /> <br /> <br /> <br /> Je le vois plutôt comme un cri du cœur de l'esclave, une prise de position symbolique exaltante qui n'a pas vraiment de répercussions concrètes.<br /> <br /> <br /> <br /> Si j'avais quelque chose à y redire, c'est qu'appeler "irrévocable" ce qui ne l'est pas n'a pas beaucoup de sens à mon goût. Et j'ai du mal à voir ce que ça apporte vraiment de plus que le statut d'esclave, déjà très engageant.<br /> <br /> <br /> <br /> En peu de mots, le consentement irrévocable ne m'alarme pas chez les autres, et m'intéresse assez peu dans mes propres relations.
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Jude, masochiste et propriété consentante
  • Masochiste, propriété et victime consentante de mon sadique depuis le 10 juillet 2020. Relation CNC 24/7 (TPE) queer & intervalide. Réflexions et éducatif BDSM, relations alternatives, LGBT+, féminisme et handicap.
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